Inaugurée le 7 juin 1846, la ligne de Paris, Barrière d’Enfer (laquelle deviendra en 1875 place Denfert-Rochereau), à Sceaux par Bourg-la-Reine, se dotera, le 29 juillet 1854, à partir de cette dernière gare, d’une branche, autrement importante, jusqu’à Orsay, avec trois stations intermédiaires (Antony, Massy futur Massy-Verrières, Palaiseau) et deux « haltes ouvertes à titre d’essai » : La Croix de Berny, et Lozère.
Créant peu à peu la banlieue, ce chemin de fer va transformer la vie économique de Lozère, hameau de Palaiseau
ne comptant alors qu’une centaine d’habitants, viticulteurs ou travailleurs de fermes pour la plupart.

Dès le 5 octobre 1859 cette branche sera (voir ci-contre) individualisée dans ses tableaux de tarifs et d’horaires.
Mais le nom de « ligne de Sceaux » lui restera, au moins pour
les plus âgés d’entre nous, jusqu’à la fin du XXème siècle, voire jusqu’à aujourd’hui pour certains.

Voies et matériels sont progressivement mis aux normes nationales. En 1866 s’installent dans les trains des convoyeurs des Postes, pour y assurer collecte et traitement du courrier : ils n’en disparaîtront qu’en 1938, lors du transfert du réseau de la compagnie du Paris-Orléans à la naissante S.N.C.F. En 1867 la ligne est prolongée jusqu’à Limours par Saint-Rémy-lès-Chevreuse (ce dernier tronçon sera supprimé en 1940).
Au début, les trains sont du genre fourre-tout, comme en attestent les « Tarifs généraux pour les transports à grande vitesse » de 1868, à savoir, au kilomètre :
0,716 fr. pour omnibus et diligences avec 3 passagers, ou voitures des pompes funèbres renfermant un ou plusieurs cercueils ;
0,336 fr. pour cercueils en compartiments séparés ;
0,0448 fr. pour ovins ou caprins ;
0,0896 fr. pour veaux ou porcs ;
0,224 fr. pour gros animaux –toutefois, « Les chevaux des militaires voyageant à quart de place ne sont assujettis qu’au quart de la place ».
Mais dès la fin de la guerre de 1870-1871 sont formés des trains de marchandises, qui circuleront sur la ligne jusqu’en mai 1940. Et en 1895 s’ouvre le prolongement de Denfert-Rochereau à Luxembourg. Lozère peut alors lancer sur Paris ses fourrages pour les innombrables chevaux de la capitale, vers les Halles ses légumes et ses fruits, notamment ses fraises. Et aussi ses pavés de grès, arrachés aux carrières de La Troche : pour un maigre salaire les ouvriers, épaulés par les cultivateurs en dehors des gros travaux des champs, manipulent, de la carrière à la charrette traînée par deux ou trois chevaux des plus robustes, puis de la charrette au wagon plate-forme, 120 pavés par voyage, en 2 voyages par jour.
En retour arrivent, outre le fumier pour les terres produit par les chevaux parisiens, les matériaux de construction, le gros vin du Midi en wagons-foudres: pour les marchandises lourdes, la ligne jouit, tout les deux premiers tiers du XXème siècle avant le développement du transport par camions, d'un monopole de fait le long de son parcours dans les deux sens.
Mais déjà s'affirme, dans les convois de voyageurs, la vocation contemporaine de la ligne: amener les Lozérois vers la capitale, puis les en récupérer. Quand le train siffle au départ d'Orsay, ils coupent à travers champs.

Retrouvant leur compartiment à douze places favori, les femmes changent de chaussures puis tricotent, les hommes jouent aux cartes. Au retour les femmes éplucheront des légumes achetés à Paris, les hommes recommenceront à jouer aux cartes.

De la fin du XIXème siècle à la fin du XXème, de nouvelles stations surgiront sur la ligne. L'électrification sera réalisée fin 1937 de Paris à Massy-Palaiseau, le 3 décembre 1939 jusqu'à Saint-Rémy: la traction à vapeur de la S.N.C.F. laisse alors la place aux automotrices de la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (C.P.M.), avec leur traîne de voitures assorties. Apparaîtront l'une après l'autre des rames nouvelles, toujours plus performantes. L'interconnexion dans Paris a lieu entre décembre 1977, où la "ligne de Sceaux" rejoint la ligne A du "R.E.R." en tant que ligne B, et 1988 puis 1995, où elle trouve les nouvelles lignes C et D de ce Réseau Express Régional. Les 45 km/heure limite des origines sont devenus 140.
Les dangereux passages à niveau progressivement supprimés, la gare de Lozère se trouve maintenant en attente du remplacement, par la R.A.T.P., héritière en 1948 de la C.P.M., de ses souterrain et passerelle actuels par des ouvrages aux normes qu'impose désormais la loi sur l'accès des personnes à mobilité réduite. Et la R.A.T.P. se fait tirer l'oreille…
Reste qu'une donnée, l'entassement des usagers aux heures de pointe, n'a que peu varié, de 1956 à nos jours, où l'on a décrété "conditions normales d'affluence[…]4 voyageurs au m2".
Est-ce là un élément constitutif du charme, toujours actuel, de la "ligne de Sceaux" ?